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Ceci n’est pas un MVP

4 ans ago
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Qu’on soit chef d’entreprise, product owner, ou simplement porteur d’une idée novatrice, la vision d’un produit se traduit souvent par une forme d’obsession : on a une idée de solution qui rend un service inédit et qui répond à un ou plusieurs problèmes importants pour un public clairement ciblé.

Et lorsqu’on a une vision d’un produit, arrive inévitablement un moment où il faut réfléchir à la manière de la concrétiser !

Alors, Prototype, PoC, Pilote, MVP, MAP, MMP : c’est quoi ?; pour qui ?; par quoi commencer ? ; quand et comment ? : c’est ce que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Ce qui est important

Si, par exemple, votre vision est celle d’un service basé sur une application ou une plateforme web, pour concrétiser votre idée, vous dépendez nécessairement d’une ou plusieurs personnes, voire équipes, qui seront capables de concrétiser votre vision.

Quelque soit le budget, c’est un moment crucial pour un projet. Mais lorsqu’on a un budget serré, une erreur à ce stade peut se révéler fatale.

Puisqu’il est toujours impossible de tout faire – et, en fait, souvent inutile -, l’approche Lean suggère de se concentrer sur ce qui apporte de la valeur, quitte – en tous cas au début – à laisser tomber 80% des fonctionnalités !

Waterfall

En gestion de projet, l’approche classique consiste, de manière très logique et cohérente, à suivre un modèle qui se déroule selon une succession d’étapes:

Analyse de faisabilité, Planification, Conception, Implémentation, Tests, Mise en production, Support

De manière systématique, chaque étape est entièrement terminée avant de passer à la suivante.

On appelle ce type d’approche une gestion en cascade ou « Waterfall ».

C’est une pratique qui a fait ses preuves et qui permet généralement d’atteindre l’objectif fixé dans le cadre du projet : la réalisation du produit visé.

Ceci dit, c’est une approche adaptée aux environnements figés, pour lesquels on dispose d’un grande connaissance, et qui implique un délai de livraison relativement long.

Or la réalité moderne est plutôt un marché dont les tendances sont en permanente évolution.

En suivant ce modèle, on n’a donc aucune garantie quant au succès commercial de son produit lors de sa mise sur le marché : peut-être que la demande aura évolué entretemps, ou bien peut-être va-t-on se rendre compte qu’il ne répond finalement pas à un réel besoin du marché.

Dit autrement, la boucle des retours est très longue : on va mettre énormément de temps avant de se rendre compte qu’une fonctionnalité indispensable a été omise; ou, au contraire, que certaines fonctionnalités reprises dans le cahier de développement sont tout simplement inutiles.

Dans cette perspective, la gestion Waterfall est souvent inadéquate pour les startups dont l’objectif principal n’est pas de construire un logiciel, mais bien de construire de la valeur !

Gestion du risque

Donc, d’un côté la plupart des entrepreneurs sont confrontés à des contraintes de budget fortes, et de l’autre le retour sur investissement n’est pas garanti: il y a des incertitudes quant à la faisabilité technique; quant à l’intérêt du public; et en plus on n’a aucun moyen de savoir si un produit similaire n’est pas sur le point d’entrer sur le marché !

L’approche « Lean » (de l’anglais « maigre », « dégraissé ») propose en quelque sorte une mise en oeuvre épurée.

Plutôt que de construire LE produit ultime qui répond à un énorme cahier des charges, on va commencer par quelque chose de minimaliste : le produit le moins cher possible à mettre en œuvre qui permette de toucher le segment de marché visé.

L’idée consiste toujours à construire le produit final mais, plutôt que de le faire en une seule fois, on va le construire petit à petit, par itérations successives, en partant des éléments les plus fondamentaux et en y ajoutant des fonctionnalités par incrément.

On peut résumer ceci par l’illustration popularisée par Henrik Kniberg:

A chaque étape, on a quelque chose. Ce n’est pas tout de suite complet ni forcément suffisant, mais ça offre la possibilité de tester et de récolter des informations permettant de valider ou d’invalider des hypothèses.

De cette manière on peut tirer rapidement des leçons sur base des retours, pour construire de la valeur et aller dans la direction qui offre le plus de chances de succès au produit.

Avancer de cette manière permet également, à chaque étape, de reformuler les priorités pour les étapes suivantes, indépendamment de ce qui avait été imaginé auparavant.

Il s’agit d’une approche qui peut paraitre contre-intuitive : de prime abord, on a plutôt le réflexe de tout faire pour éviter de se tromper et pour savoir exactement où on va.

Mais en fait, dans le domaine de la création de prototype il est clair que, le plus souvent, on avance par essai-erreur (Alexander Fleming, Alfred Nobel, Wernher Von Braun, ou Thomas Edison ne sont que quelques uns des auteurs de grande avancée technologiques dont les méthodes illustrent ce propos).

Pour l’anecdote, c’est en utilisant cette approche que Stewart Butterfield, dont la vision était de créer un jeu en ligne, a, tour à tour, été à l’origine des plateformes à succès Flickr et Slack, toutes deux censées – au départ – n’être que des outils pour le développement d’un jeu MMO !

L’approche MVP

En gestion de projet, on parle désormais couramment d’approche « MVP », ou de cycle Build, Measure, Learn :

MVP vient de Minimum Viable Product ou Produit Minimum Viable.

Il s’agit d’une dénomination ambigüe, et c’est sans doute pourquoi MVP est souvent confondu avec les termes proof-of-concept, prototype et produit pilote. L’acronyme MVP est en effet relativement récent – il a été introduit par Frank Robinson about 2001, et popularisé par Steve Blank et Eric Ries.

D’ailleurs, l’article qu’on trouve sur Wikipedia consacré au terme « MVP » entretien cette confusion:

“It is not an MVP until it sells. Viable means that you can sell it”.

(ce n’est pas un MVP tant que ce n’est pas vendable)

Dans son livre « The Lean Startup » publié en 2011, Eric Ries, définit comme ceci :

« Le Minimal Viable Product est la version du produit qui permet d’obtenir le maximum d’apprentissages validés avec la quantité minimum d’effort. »

Et, en même temps, il précise sa pensée en déclarant :

« MVP is not a product, it’s a process.  » Eric Ries

Il convient donc davantage de parler d’approche MVP que de réalisation d’un MVP.

C’est pour mieux faire cette distinction que dans la littérature Web, pour évoque run produit proprement dit développé en utilisant une approche MVP, on trouve de plus en plus le terme « MMP », pour Minimum Marketable Product ou Produit Vendable Minimum.

En résumé, un MMP est un produit construit de manière à pouvoir :

  • faire des tests rapidement;
  • prendre conscience de ses erreurs rapidement ;
  • et les corriger rapidement.

Mais alors quelle est la différence entre une preuve de concept, un Prototype, et un produit pilote ?

Dans cette perspective, un produit peut être vu comme un ensemble de MVP. Chaque MVP étant « le travail minimum qu’il faut pour pouvoir valider ou invalider une hypothèse à propos du marché« .

Pour récapituler, lors de la préparation du produit, on peut faire la distinction entre les étapes suivantes :

ÉtapeObjectif
1. Proof of ConceptIsolated exercise : valider les hypothèses à propos de la future application et de ses utilisateurs
2. PrototypeFull system simulation : valider les hypothèses à propos de la future application et de ses utilisateurs
3. Produit piloteFull system for audience subset : analyser l’accueil par les utilisateurs (quel est le retour des utilisateurs pour chaque élément par rapport à la vision ?)
4. MMPAvoir une première version vendable du produit, dont les résultats commerciaux pourront venir appuyer la crédibilité du concept

Chacune de ces étapes, et chacune de ses composantes étant réalisée en utilisant une approche MVP.

Par ailleurs, les nouvelles fonctionnalités peuvent également être développées selon la même logique, pour finalement être intégrées, ou non, au produit vendu lorsqu’elles deviennent des MMF (Minimum Marketable Features)

Pour résumer sous forme d’une infographie :

La comparaison

Mais il y a un autre aspect à ne pas oublier.

Comme le répète inlassablement Jordan Belfort dans ses formations: lors d’une première approche, on n’a que 4 secondes pour convaincre.

Même si tout le monde est d’accord sur l’importance de faire une bonne première impression, 4 secondes, c’est court !

Pourtant en termes de fréquentation d’un site web sur base de son temps de chargement, comme le démontre Neil Pattel, c’est effectivement le délai qui semble correspondre à la patience du visiteur moyen.

Tout ça pour dire que, même si votre produit est novateur et offre des fonctionnalités uniques, les utilisateurs vont implacablement comparer avec ce qu’ils connaissent. Et les GAFAM, pour ne citer qu’eux, mettent la barre très haut en termes de d’expérience utilisateur, en offrant une interface à la fois claire, épurée, intuitive et avec un temps de réponse extrêmement court (pour ceux que ça intéresse, j’évoque ce dernier point dans une de mes autres videos).

Bref, pas évident , surtout avec un petit budget, de rivaliser avec de tels standards.

D’un autre côté, on ne peut pas faire abstraction de ce fait et, en plus d’être novateur, il est donc indispensable d’avoir l’air à la fois sérieux et sexy.

A contrario, imaginez : si j’étais l’inventeur d’un tout nouveau concept d’interface universelle pour téléphone qui permette d’ajuster le volume sonore en fonction de la distance des interlocuteurs et de passer automatiquement en mode combiné, main libre ou conférence … et que je vous présentais un prototype comme celui-ci :

Même si je parvenais à vous convaincre par le concept, il y a de fortes chances pour que vous ne l’essayiez même pas !

MAP

Pour cette raison, sur la toile, on évoque désormais régulièrement un autre concept, celui de « Minium Awesome Product » qu’on peut traduire en Produit Génial Minimum, ou pour respecter l’acronyme, Produit Adorable Minimum.

Sur son site « The Startup » , Carlos Beneyto résume visuellement ceci dans un des ses articles :

En gros, le MAP est un MVP avec un “wow effect” en terme de UI et d’expérience utilisateur.

Evidemment, si votre produit répond à un besoin qui a beaucoup de valeur pour votre cible et qu’il est le seul sur le marché, alors vous pourrez sans doute vous dispenser d’investir dans l’effet WOW, et vous limiter à ce qui est juste suffisant pour convaincre vos early adopters.

Mais bien souvent ce n’est pas tout blanc ou tout noir et il faut trouver le bon équilibre.

Donc, pour déterminer à quelle hauteur vous devrez investir dans quelle partie de votre application, vous devrez commencer par une étude de marché qui prend en compte cet aspect.

Where is MAP ?

Encore une fois, il y a des impondérables en termes de budget et la qualité, la recherche graphique et les ressources allouées à l’Application ont nécessairement un cout. Tout l’art consiste donc à trouver le moyen de construire à la fois un produit qui offre de la valeur tout en offrant la meilleure expérience utilisateur possible, avec les ressources disponibles.

Conclusion

C’est une évidence : entreprendre c’est prendre des risques. Et il est difficile de déterminer avec certitude que toutes les conditions sont réunies … Alors voici quelques petites choses que, en tant qu’entrepreneur, je vous encourage à garder à l’esprit :

  • N’oubliez jamais qu’une multitude d’entrepreneurs concrétisent en permanence des idées, et que l’une d’elle est peut-être la vôtre !
  • Prenez garde aussi à ne pas être ébloui par votre idée au point d’être aveugle au fait que les utilisateurs puissent voir les choses différemment de vous.
  • Souvenez-vous que votre idée, si elle est incontestablement importante, est loin d’être suffisante: Il faut pouvoir s’adapter et acquérir les connaissances nécessaires pour offrir une solution capable de rivaliser avec les standards actuels. Et pour mettre toutes les chances de votre côté, il est impératif que votre produit présente au minimum les mêmes atouts que la concurrence (ou des produits qui s’en rapprochent) en termes d’expérience utilisateur.

Et il faut donc aussi parfois pouvoir accepter qu’une idée ne soit pas concrétisable en-dessous d’un certain budget, même s’il ne correspond pas au votre…

Mais si vous le faites, souvenez-vous que l’objectif de tout projet commercial est de construire de la valeur, et pour y arriver il vaut toujours mieux valider ses hypothèses avant de faire des investissements.

Et que le meilleur moyen de valider vos hypothèses c’est d’analyser en continu les points forts et les points faibles de votre produit, et de renforcer les fonctionnalités qui répondent le plus à une demande du marché, afin de déterminer à chaque étape, quels seront les prochains pas !

Bilbiographie

Frank Robinson : « SyncDev methodology ». SyncDev.

Steve Blank : https://steveblank.com/2013/07/22/an-mvp-is-not-a-cheaper-product-its-about-smart-learning/

Eric Ries: The Lean STARTUP

Lean Analytics d’Alistair Croll et Benjamin Yoskovitz

La méthode Running Lean d’Ash Maurya

A Minimum Viable Product Is Not a Product, It’s a Process

Carlos Beneyto de « The Startup » : « The MVP is dead, long life to the MAP. »

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